Les vallées et collines de Sylvanie étaient plongées dans la nuit noire, obscure et mystérieuse. Les légendes macabres sur les pleines lunes de Sylvanie étaient bien connues et ne cessaient de raconter le réveil des créatures les plus démoniaques que même l’enfer avait rejeté. Et il faut avouer que la plupart de ces légendes se basaient sur des faits réels relatés par des témoins crédibles. Ce soir là la nuit était plus sombre que jamais ; la lune traçait dans le ciel son cercle blafard et aveuglant reflétant sa lumière sur la cime des pins. Des cris effroyables et sauvages résonnaient dans la nuit en provenance d’une petite montagne solitaire au milieu d’une vaste plaine. Sur ces roches escarpées se dressait un château squelettique aux tours longues et acérées. Des arches de pierre reliaient les tours et conféraient au lieu un aspect macabre. Cette forteresse était un des fiefs des Comtes Vampires, qui avaient construis ce bastion par le sang et la sueur de centaines de prisonniers. Depuis, le fort recueillait un nombre important de soldats constituant une armée durement entraînée. Ses rangs étaient formés des créatures les plus repoussantes et qui sûrement entretenaient les légendes dont nous avons déjà parlé.
A quelque distance de là ,un résonnement sourd se fit entendre. Le bruit alla grandissant avant d’atteindre son apogée au moment où de derrière la forêt surgissait une immense armée. Les soldats étaient aux couleurs impériales du Stirland. A l’avant, des centaines de chevaliers avançaient au trot fièrement parés de riches habits. Des épées acérées luisaient à leurs mains et des boucliers sculptés dans du lapis protégeaient leur flanc gauche. Un si grand luxe contrastait avec la pauvreté de la région. Jamais auparavant l’armée n’avait été si proche de l’art. Suivait l’infanterie et les archers habillés plus sobrement que les riches dignitaires montés à cheval. Loin derrière, quelques armes de siège succédaient au cortège.
Un rugissement déchira les cieux et la voûte étoilée sembla s’ébranler. A travers les nuages surgit un immense dragon bleu nuit presque noir, aux piques acérés , recouvert d’une armure étincelante. La bête était chevauché par un homme casqué, arborant lui aussi une armure, aux teintes bleues, noires, rayée de deux bandes violettes. Un loup gris s’étalait sur son épaule au cœur d’un blason. Wolf de Gortz partait au combat. Il se posa au sommet d’une colline. Enfin son rêve se réalisait! Ses terres natales allaient revenir sous sa propriété. Son regard s’orienta vers l’ouest: au loin, il le savait, les ruines d’Achtkrieg se dressaient encore vers le ciel, au cœur de la grande forêt noire. Durant un instant, il revit dans sa tête l’épisode dramatique qui avait marqué ses sept ans. Lui, William et Warell, proches de leurs parents, en larme. Les flammes, les cris, la terreur. Wolf le savait: un jour il se devait de redonner vie à la grandeur passée de la famille. Si cette nuit il y parvenait, la plus grande fierté s’emparerai de son âme.
Sur un cheval noir de race noble, le général en chef de son armée le rejoint: Tristan de Stirvalk. Wolf le regarda avec attention: c’était sûrement un des hommes les plus vaillants que le Stirland comptait. Wolf lui accordait une confiance absolue. Mais il aurait tant aimé voir son cousin Warell à ses côtés. Aucun homme ne pouvait égaler Warell sur un champ de bataille. Le voir à la tête de son armée aurait été une fierté immense. William manquait aussi cruellement à Wolf. Il espérait pouvoir compter sur leur honneur, et reconquérir ces espaces avec eux. Tristan de Stirvalk prit la parole d’un ton solennel:
- Monseigneur, vos hommes se tiennent près. Nous attendons votre signal. Permettez moi de vous suggérer une attaque rapide, nous les tenons par surprise et la nuit nous est propice.
-J’approuve entièrement mais nous attendrons encore une heure. Stefan Cel Màre devrait nous rejoindre. Si Volkmar et Siegfried Von Lutz se décident soudainement à rejoindre nos rangs alors nous bénéficieront d’une puissance nettement supérieure.
-Vous savez tout comme moi, Sire, que Volkmar le Sévère, si il nous rejoint, aura sûrement à ses côtés des flagellants. Nos hommes suivent vos codes. Et il semble que se battre avec ces … démons humains…n’en fait pas partie.
-Une aide extérieure, telle qu’elle soit, sera la bienvenue. Du moins pour aujourd’hui. Par ailleurs, William et Warell viendront peut être…. Je l’espère…
Wolf de Gortz chevaucha sa monture et jeta un regard d’acier sur la vallée. Le calme inflexible allait bientôt laisser place à la fureur des armes et au chaos des flammes.